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13/04/2010

Le jeu de la mort

ours_1w.jpgAvez-vous vu cette récente émission où encore une fois la télé parle de la télé ? La nouveauté c'est qu'il s'agit là d'une tentative d'analyse de l'influence de ce medium sur nos cerveaux + ou - "disponibles"!
Entreprise louable de Christophe Nick, auteur par ailleurs de la série sur "la violence ordinaire", qui cherche à montrer que le pouvoir de la télé est tel qu'elle peut transformer 80% des braves gens que nous sommes en possibles tortionnaires!
Tout cela est sans doute juste, la télé étant particulièrement habile à diffuser de la confusion entre "le pour de vrai et le pour de faux", comme le disait F. Dolto.
Mais si l'on prend la télé comme un symptôme de l'état d'avancée de notre civilisation occidentale, la question est de savoir si nous sommes aptes à exercer notre esprit critique ou plutôt à nous soumettre à une autorité pour peu qu'elle soit légitime.

Ce que montre en effet ce "jeu de la mort" c'est que, placé dans un système de fortes contraintes, très peu d'entre nous sont capables de résister aux injonctions, même et y compris lorsqu'il s'agit de mettre en péril la santé d'autrui!

La pensée libérale, largement répandue aujourd'hui, valorise la responsabilité individuelle. Bravo! Sauf que pour que cette liberté s'exerce parfaitement, l'individu ne doit trouver dans sa marche vers la réussite aucun obstacle susceptible de la ralentir, il doit donc s'être au préalable libéré de toute contrainte psychologique, en particulier vis à vis de l'autorité.
Voilà bien la contradiction essentielle de cette idéologie fondatrice de la droite, entre le culte de l'individualisme forcené et les risques de l'insoumission, comment choisir?

Un exemple osé m'en est fourni par le crash de ce Tupolev à Smolensk.
Les autorités russes désignent le pilote comme seul responsable car ayant désobéi aux ordres de la tour de contrôle.
Comment peut-on imaginer une seconde qu'un pilote expérimenté ait de plein gré risqué la vie de ses passagers en tentant un atterissage aussi difficile? Non!
Ce commandant de bord a très certainement suivi les injonctions de ces beaux messieurs présents dans l'avion voire du président lui-même qu'on décrit comme nerveux et irascible. Pour lui, désobéir à ses chefs ou désobéir aux aiguilleurs du ciel russes, le cas de conscience a dû être terrible puisqu'il a tourné plus de 2 heures avant de tenter l'impossible!

A l'heure où l'insoumission n'est plus trop à la mode, où l'individu piégé dans un système de contraintes que la télé elle-même nous présente comme des évidences, où trouver la force de se mettre debout et de dire NON ?

06/10/2009

SOUFFRIR SEUL

7c2fa57c02857e22[1].JPGMALHEUR AUX FAIBLES
Il y a longtemps que nous savons que le rapport au travail traverse un profond malaise. Le taux de suicides à causes professionnelles, le recours massif aux anxiolytiques, l'augmentation des arrêts de travail pour dépression sont des signes évidents d'un mal-être généralisé.
A cela les bons esprits nous donnent plusieurs raisons:
- les français survalorisent la place du travail comme facteur d'intégration sociale, cf le succès du "Travailler plus ...etc..."
- les français ont une mentalité de "petits fonctionnaires" ne sachant pas s'adapter aux contraintes d'un monde concurrentiel - cf la "pêche aux moules" du PDG de France Telecom,
- les français sont des enfants gâtés, trop sensibles et trop fragiles. Ils ont des exigences exorbitantes vis à vis du bien-être, du bonheur qu'on est en droit d'attendre de la vie en société - cf le projet de "Bonheur Intérieur Brut", devant se substituer au P.I.B !

Pour moi les véritables causes de ce problème social gravissime sont les suivantes:

- une organisation du travail souvent pervertie, basée sur l'existence de petits - ou de grands - chefs mesquins qui expriment dans leurs rapports avec leurs subordonnés, leurs frustrations et leurs espoirs déçus.
- un sentiment d'inutilité sociale puisque le seul objectif de l'Entreprise ou du Service apparaît comme étant la réduction de la masse salariale.
- la religion de l'évaluation fondée sur une intensification du contrôle permanent que rend possible l'informatique.
- la privatisation généralisée des Services y compris bientôt des contrôles médicaux de la Sécu et de la Médecine du Travail.
- le non respect de la personne humaine, du besoin qu'elle a d'être reconnue à sa place dans un groupe social.

Mais tout ceci peut se résumer en un seul constat:

L'individu est désormais SEUL, seul dans l'arène où tous les coups sont permis, seul face à des chefs  qui ne pensent qu'à le flinguer pour accroître la compétitivité de l'Entreprise ou à des collègues qui le jalousent.
"Toutes les formes de solidarité sont fissurées par les nouvelles formes d'organisation du travail" comme le dit Christophe Dejours(*)

Car ne l'oublions pas :

CE NE SONT PAS LES FAINEANTS QUI CRAQUENT MAIS LES PLUS ENGAGES, LES PLUS MOTIVES, LES PLUS INVESTIS DANS LEUR TRAVAIL.

 


(*)"Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés"